Un pauvre garçon du village a trouvé une créature inconnue dans le hangar et a eu pitié d’elle. S’il avait su comment sa bonté allait se retourner contre lui.

Pierre marchait à travers le champ d’un pas incertain, réfléchissant à pourquoi le destin avait décidé de lui infliger un véritable torrent de problèmes. Heureusement, la santé de ses proches était restée intacte, mais cela ne lui apportait guère de réconfort.

Tous ses soucis tournaient autour d’une seule chose : l’argent. Lorsqu’il avait appris l’héritage d’une maison imposante, il n’avait pas pu contenir sa joie. Mais cette joie se transforma rapidement en inquiétude : la maison, bien que solide de l’extérieur, se révélait être une véritable ruine à l’intérieur. Peu importe où il regardait, le constat était le même : pourriture et vétusté.

Au début, Pierre s’était attaqué aux réparations avec enthousiasme. Il avait remplacé les poutres pourries, refait le toit. Le résultat était impressionnant ! Mais au fil du temps, il commença à remarquer de nouveaux défauts. Les carreaux se décollaient, les plinthes se soulevaient avec le linoléum. Dans la cour, les constructions anciennes s’effondraient et la clôture penchait dangereusement, prête à tomber sur le terrain voisin.

Quand Pierre commença à retirer l’ancien linoléum, il découvrit que les planchers en bois étaient aussi complètement pourris. Et acheter des matériaux de construction de nos jours coûtait une fortune. Avec un salaire de 18 000 roubles, il lui restait à peine de quoi couvrir ses dépenses courantes, sans parler des réparations majeures.

En plus, il fallait s’occuper du jardin envahi par les mauvaises herbes. Il devait acheter une tondeuse et des outils supplémentaires. Où trouver l’argent ? Les pensées de Pierre étaient sombres, mais il ne voulait pas vendre cette maison. Fini les séjours dans des dortoirs et des appartements en location. Si la maison était vendue maintenant, le montant de la vente ne suffirait même pas pour un logement décent en ville, sans parler des banlieues, où l’on ne trouverait que des maisons en ruine.

Dans ce quartier, les prix de l’immobilier étaient bas. La plupart des voisins menaient une existence modeste. Le seul exception était un manoir luxueux au milieu des maisons de plain-pied. On disait que son propriétaire, un ancien homme d’affaires influent, avait orné son domaine de nombreuses créations architecturales : des tourelles, des fontaines, des sculptures de jardin. L’entretien était assuré par une équipe de travailleurs. Cependant, un haut mur de pierre cachait toutes ces beautés aux yeux des passants.

Certains amis lui conseillaient de prendre un crédit pour rénover la maison plus rapidement. Mais Pierre avait fermement décidé de ne pas avoir affaire aux banques. Il mettait toutes ses économies dans les réparations, rêvant de créer un chez-soi confortable. En ville, les filles perdaient immédiatement tout intérêt lorsqu’elles apprenaient qu’il n’avait pas de logement à lui.

Ce jour-là, après avoir bu un peu, Pierre marchait lentement à travers le champ. Habituellement, il ne buvait pas excessivement, mais ce matin-là, après avoir découvert de l’humidité dans la cave et des étagères pourries, il s’était tellement découragé qu’il avait pris un verre de schnaps. Il venait juste de terminer de remplacer les sols, et voilà encore des dépenses imprévues. La chaîne interminable de réparations l’avait complètement épuisé, et il s’était permis de se détendre, bien que l’alcool se révéla plus fort que prévu.

Ses jambes le trahissaient, et Pierre eut du mal à atteindre son hangar. Il n’avait aucune envie de retourner dans la maison.

Le hangar avait été récemment construit : l’ancien était tombé en ruine et il avait bâti une nouvelle structure solide. Mais à l’intérieur l’attendait quelque chose d’inattendu. Dans un coin sombre, une étrange créature le fixait. Elle était petite, mais avait de grandes oreilles et une peau grise. Un long queue, ressemblant à celle d’un rat, complétait son apparence.

Lorsque Pierre s’approcha, la créature leva son visage triangulaire et commença à montrer les dents de façon agressive. Un grognement sourd s’échappa de sa gorge, suivi d’un sifflement. Dans sa bouche ouverte, de petites dents acérées étaient visibles.

Pierre se souvint d’un article qu’il avait lu sur le chupacabra, cette créature mythique censée boire le sang des animaux. Bien qu’il n’ait jamais cru à de telles histoires, il se demanda : et si c’était vraiment elle, la chupacabra ? Comment expliquer autrement qu’une telle monstruosité se soit installée dans son hangar ?

L’animal bondit soudainement de son étagère. Ses mouvements étaient si fluides et gracieux qu’on aurait dit qu’il flottait dans l’air. « Ce n’est pas un mutant ordinaire, pensa Pierre. C’est quelque chose de démoniaque. Seuls les êtres surnaturels bougent ainsi. »

Dans son esprit déjà embrouillé par l’alcool, des scènes de films d’horreur commencèrent à surgir. Il cria de toutes ses forces et se précipita dehors. Au départ, il voulait courir chez ses voisins, mais il se ravisa et enferma la créature dans le hangar. « Et si ce monstre, cet esprit, pouvait causer du mal ? », pensa-t-il.

Il resta un moment près de la porte, écoutant ce qui se passait à l’intérieur. Il n’y avait aucun bruit. Cependant, il n’avait aucune envie d’aller vérifier.

Il se précipita chez Macar, avec qui il buvait parfois du schnaps. Il entra sans frapper et cria :
— Qu’est-ce que tu as mis dans ta vodka, espèce de salaud ?!

Macar, mécontent de l’intrusion, expliqua que sa boisson était faite uniquement à partir de grains purs. Puis, il demanda : — Que se passe-t-il ? Pourquoi es-tu aussi agité et nerveux ?

— Comment ne pas l’être quand un démon apparaît ! J’entre dans le hangar, et là, il y a une créature dégoûtante de la taille d’un chat. Peau grise, ridée. Elle est perchée sur une étagère, avec une queue de rat, des oreilles énormes, transparentes comme celles d’une chauve-souris, et une tête terrifiante… Maintenant, je n’ose même plus m’approcher de la maison !

Macar se gratta la tête pensivement et déclara avec autorité : — Si c’est un chupacabra, il suffit de lui planter des fourches. Mais si c’est un démon, alors un crucifix, de l’encens et des prières feront l’affaire.

Il sortit un vieux livre de prières et se croisa trois fois. Les deux hommes décidèrent de prendre leur courage à deux mains et de revenir. Ils se mirent en route après avoir pris des forces. Pierre, armé de fourches, se battit un moment avec la barre de la porte – soit elle était coincée, soit ses mains ne le suivaient pas. Lorsque la porte céda enfin, Macar entra en premier, brandissant fièrement le livre de prières.

— Sors de là, satan ! lança-t-il haut et fort.

Une tête triangulaire couverte de toiles d’araignées apparut derrière une vieille couverture. La créature ouvrit largement sa bouche rose, miaula tristement, puis se cacha de nouveau.

Pierre fit un pas en arrière, tenant les fourches devant lui. Mais Macar, quant à lui, s’avança courageusement et, à mains nues, sortit l’animal effrayé du coin.

— T’es un idiot, Pétka ! C’est un sphynx, un chat de race très cher ! En plus, elle semble être enceinte. Ces animaux sont aussi appelés « chats en caoutchouc ». Ma fille en veut un depuis longtemps, mais les prix sont exorbitants. Heureusement que tu as trouvé une telle perle. Tu la vendras après et deviendras riche. Mais n’oublie pas : un chaton me revient.

Pierre, bien que légèrement dégoûté, prit l’étrange trésor des mains de Macar. Le corps chaud du chat lui parut finalement moins répugnant. Pour protéger cette précieuse trouvaille, il installa la chatte enceinte dans une nouvelle cage à lapins qu’il avait achetée pour d’autres fins. Désormais, elle serait un foyer pour un chat coûteux et ses futurs petits.

De retour en ville après sa journée de travail, Pierre décida de chercher le Wi-Fi pour en apprendre davantage sur les chats sphynx. En chemin, il s’arrêta dans un magasin pour acheter de la nourriture spécialisée, des vitamines pour chats enceintes, ainsi qu’un petit pull pour éviter que l’animal nu ait froid.

En passant près du magasin du village, Pierre aperçut une annonce avec une photo. Il y avait une tête de chat ridée étonnamment semblable à celle de la créature qui se trouvait maintenant dans sa cage à lapins. Il s’approcha et lut l’annonce. Le propriétaire du sphynx vivait dans le seul manoir luxueux du village.

Pierre comprit qu’il devrait rendre le chat pour éviter des ennuis avec l’autorité locale. Même s’il était maintenant un homme d’affaires, tout le monde savait qu’il n’y a pas d’anciens voyous. La perspective de finir noyé au fond d’une rivière, coulé dans du ciment, ne lui plaisait absolument pas.

Sans entrer chez lui, Pierre se rendit directement au manoir. Il appuya sur l’interphone et expliqua la raison de sa visite. Les portes s’ouvrirent sans bruit, l’invitant à entrer.

La première chose qu’il remarqua, ce furent des ouvriers asiatiques robustes qui s’affairaient dans la cour avec des outils de jardinage. Les gens ne mentent pas – une véritable équipe entretenait le manoir. Le propriétaire sortit à sa rencontre. C’était un homme ordinaire d’âge moyen, portant un pantalon kaki et une chemise à carreaux simple. Il semblait avoir travaillé dans le jardin avec ses ouvriers : des traces de sueur sur le visage et des mains couvertes de terre.

Pierre raconta son histoire. Le propriétaire se présenta sous le nom d’Albert Nikolaïevitch. Il appela l’un de ses gardes pour l’emmener chercher le chat de l’autre côté du village. Installé sur le siège arrière de la voiture, il commença à poser des questions sur les détails de la découverte. Pierre, tout naïf, raconta tout comme c’était. L’histoire de son malentendu avec le chat fit rire Albert Nikolaïevitch aux éclats. Il riait si fort qu’il dut s’essuyer les yeux avec un mouchoir.

De retour à la maison, Pierre remit son « trouvaille » au propriétaire. Il observa, étonné, la façon dont il traitait l’animal. Après un moment, prenant son courage à deux mains, Pierre proposa à Albert Nikolaïevitch les articles qu’il avait achetés pour le chat.

— Tu es un bon homme, Pétka, répondit-il. Tu vis dans une cabane en ruine et pourtant, tu n’as pas hésité à dépenser de l’argent pour des vitamines et des vêtements coûteux pour un chat enceinte. Je vais te remercier. Je vais te donner des matériaux de construction et des ouvriers pour faire de ta maison un véritable palais. J’ai des matériaux en trop — un contremaître a calculé le double de ce qui est nécessaire, mais… il ne reviendra pas. Alors, qu’ils aillent à de bonnes mains. Tu les mérites.

Le lendemain matin, des camions arrivèrent chez Pierre, déchargeant des matériaux de construction. Des ouvriers asiatiques assidus apparurent dans la cour. En un mois, ils avaient complètement transformé la maison : tout fut remplacé, réparé et organisé. Un nouveau grillage fut installé autour du terrain. Le résultat surpassa toutes les attentes.

Désormais, Pierre ne vivait plus seul. Après la fin des réparations, une jeune fille nommée Amina s’installa chez lui. Le propriétaire du manoir n’avait rien contre le fait que sa travailleuse crée une famille avec celui qui avait ramené son chat préféré. Macar ne resta pas sans cadeau non plus : sa fille reçut le tant attendu chaton sphynx – petit, maladroit et adorable.

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